Historiquement la question climatique dans les pays d’Europe occidentale et a fortiori en Wallonie, s’est principalement concentrée sur l’atténuation et la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre afin de limiter les changements climatiques. Il est désormais essentiel et urgent d’adopter des politiques et stratégies ambitieuses en matière d’adaptation au dérèglement climatique et à l’effondrement de la biodiversité.
Transposer la directive européenne « healthy soil » qui sera adoptée en juin 2023
Nous devons changer notre approche des sols, qui est aujourd’hui principalement basée sur le plan de secteur : le sol est perçu comme une surface, sa gestion est partagée entre secteurs d’activité. Essentiels au maintien de l’équilibre sur Terre, les sols sont une ressource limitée. Les sols sont le second puits de carbone, après les océans. Ils abritent 25 % de la biodiversité terrestre. Ils constituent le premier maillon de la chaîne alimentaire et, grâce à eux, nous produisons la majeure partie de notre alimentation. La santé des sols doit être au cœur des priorités wallonnes. Les fonctions et services écosystémiques rendus par les sols doivent être reconnus, protégés et restaurés, le cas échéant. En adoptant une approche multifonctionnelle des sols, nous pourrons choisir « le bon usage pour le bon sol ».
a) Développer un indicateur de santé des sols (à l’instar de la Suisse et de la Région de Bruxelles Capitale) et un indicateur de coefficient de biodiversité.
b) Intégrer ces deux indicateurs dans les outils d’aménagement du territoire en vue de préserver la qualité et les fonctions des sols de toute artificialisation, selon les principes de la hiérarchisation de l’artificialisation des sols (éviter, réemployer/recycler, réduire) et, de cette façon, privilégier le « recyclage » de sols déjà artificialisés (les friches, par exemple).
c) Déterminer des objectifs/seuils d’artificialisation des sols à ne pas dépasser d’ici 2030 et 2050, monitorer cette évolution, rendre ces données publiques, et adopter des mesures correctives si nécessaire.
d) Reconnaître les services écosystémiques rendus par les sols dans les outils d’aménagement du territoire et dans les études d’incidence et de demande de permis, étudier l’impact des projets sur les services rendus par les sols.
Rétablir le cycle naturel de l’eau : adopter une stratégie de gestion intégrée des eaux pluviales
Le développement territorial doit s’inscrire dans une stratégie de gestion durable et intégrée des eaux
a) Désimperméabiliser les sols urbains, en développant la végétalisation et l’infiltration des eaux de pluie (ce qui aura des effets bénéfiques sur les îlots de chaleur, cf point « Lutter contre les îlots de chaleur » plus bas)
b) Imposer une gestion intégrée des eaux pluviales dans l’espace public : joints ouverts, nouveaux types de revêtements, zones d’infiltration, jardins et arbres à pluie, etc. dans une perspective de « zéro renvoi des eaux pluviales à l’égout » et de lutte contre les inondations.
c) Infiltrer les eaux de pluie, à l’échelle de la parcelle
Restaurer les zones humides
Les zones humides (tourbières, marais intérieurs, bordure de lac, prairies et forêts humides, etc.) nous rendent des services écosystémiques irremplaçables et indispensables pour faire face au dérèglement climatique tant sur le plan de l’infiltration et épurations des eaux, de soutien à la biodiversité, de stockage du carbone, etc. Grâce à leurs fonctions hydrologiques, elles agissent comme de véritables éponges à l’échelle du bassin versant, elles régulent les crues, préviennent l’érosion des sols, soutiennent les nappes phréatiques lors des sécheresses. L’état des zones humides en Wallonie est pourtant alarmant : 80% des 180.000 ha de zones humides connus (sols (para-)tourbeux, (très) humides et alluviaux) ont perdu leurs fonctions hydrologiques. (voir le Manifeste No Nature, No Future)
Restaurer d’ici à 2030 30 % des zones humides (sols (para-)tourbeux, (très) humides et alluviaux) se trouvant dans un état de conservation défavorable.
a) Evaluation de chaque bassin versant et cartographie d’un réseau cohérent de zones humides.
b) Une fois établi, adoption d’un programme de mise sous protection/gestion/ restauration des sites fonctionnels, des espaces de fonctionnalité et des cours d’eau – ce qui permettra, par la même occasion, d’y protéger et d’y restaurer la biodiversité.
c) Etablissement d’une priorisation des actions à mener pour restaurer les zones humides (têtes de bassin, comblement des drains existant en milieu agricole ou forestier, etc.)
Lutter contre les îlots de chaleur
La façon d’occuper le sol conditionne fortement la surchauffe – c’est-ce qu’on appelle les îlots de chaleur et leur contraire, les îlots de fraîcheur. Une densité bâtie optimisée, avec le concours des végétaux (espèces indigènes) et des sols de pleine terre, va créer de l’ombrage le jour, favoriser la circulation de l’air, et limiter le piégeage de la chaleur.
a) Favoriser le développement d’une typologie d’habitat adaptée aux impacts des changements climatiques via notamment la mise à jour des guides d’urbanisme.
b) Renforcer le maillage vert et bleu : présenter pour tout projet un plan de végétalisation et démontrer sa contribution au maillage vert et bleu ainsi que sa participation à la constitution et au renforcement d’un réseau de fraîcheur. Ce plan doit expliquer les mesures prises par le projet pour lutter contre la surchauffe, les îlots de chaleur et l’assèchement des milieux naturels ainsi que la perturbation des eaux de surface et souterraines.
c) Verduriser les cours d’école (en s’inspirant des réalisations menées à Paris à travers le programme des “cours oasis” ou en Région bruxelloise avec l’opération “ré-création”) les lieux éducatifs et les ouvrir aux voisin·e·s en dehors des heures d’ouverture des établissements scolaires.
d) Créer des couloirs cyclo-pédestres végétalisés
e) Assurer l’accessibilité de chaque habitant.e à des espaces verts et îlots de fraicheur de qualité : les travaux de la ville de Liège via l’actualisation de son PCDN sont à cet égard, très inspirants, notamment en termes de caractérisation des espaces de fraicheur, selon des critères de qualité (nature, quiétude, services et paysages) ainsi que sur des critères d’’accessibilité.
f) Maximiser l’emprise au sol des espaces non bâtis : dans les centralités, un minimum de 30 % de la parcelle est non bâtie et en pleine terre.
g) Pour les toitures non pourvues de panneaux solaires, imposer la végétalisation des toitures plates de 20 m ou plus pour les nouvelles constructions, extension et autres rénovations importantes, pour permettre le développement d’un biotope, ralentir les eaux de pluie et isoler thermiquement les toitures.
h) Augmenter la végétalisation, à l’aide d’espèces indigènes, des espaces privés et imposer la plantation d’au moins un arbre par 200 m² de jardin ou imposer un minimum de surface de canopée végétale de 30 %