Une transition progressive dans le respect de l’humain et de la nature
Les obligations législatives que doivent remplir les exploitations agricoles sont régulièrement révisées pour pallier les dégâts environnementaux que certaines pratiques agricoles peuvent engendrer sur les ressources naturelles (nitrates et pesticides dans les eaux de surface et souterraines mais aussi dans l’air et jusque dans les habitations), déclin de la biodiversité, épuisement des sols, etc. Ces règles conditionnent parfois les subsides octroyés aux agriculteur·rice·s pour couvrir le manque à gagner de la vente de leurs produits. Ce mécanisme est à la base de la Politique Agricole Commune.
Malgré ce plan stratégique agricole et d’autres plans environnementaux (PGDA, PwRP, PGDH, etc.), les objectifs environnementaux et la viabilité des fermes wallonnes sont loin d’être garantis.
Nous plaidons donc pour une sortie de la complexification législative au profit d’un soutien massif des paysan·ne·s pour se tourner vers des formes d’agriculture qui collaborent avec les processus naturels pour produire de la nourriture. L’agriculture biologique en est une forme inspirante mais des pratiques intermédiaires peuvent être mises en place pour s’affranchir progressivement des pratiques destructrices du vivant.
a) Entamer dès que possible une discussion avec l’ensemble des parties prenantes concernées (représentant·e·s de la diversité des systèmes de production agricoles, organisations environnementales et de la société civile, acteurs des milieux ruraux et forestiers) sur la définition d’une vision commune de la prochaine Politique Agricole qui devrait également être Alimentaire.
b) Soutenir prioritairement l’agriculture biologique. Cela passe notamment par un renforcement des aides au maintien et d’un portefeuille ambitieux des aides à la conversion, à la majoration des aides et l’encouragement des projets d’installation ou d’investissements dans ce sens. Mais aussi, par une information positive et pro-active sur les vertus de cette forme d’agriculture. Ainsi que par le développement et le soutien d’un centre de recherche indépendant spécifiquement dédié au Bio, à l’image de l’ITAB en France ou du FIBL.
c) Développer, expérimenter, documenter, diffuser et rendre accessibles les pratiques qui permettent de travailler en partenariat avec la nature (agriculture biologique et agroécologie, agriculture de conservation des sols,
agroforesterie et haies, prairies permanentes, cultures intermédiaires, etc) : financer des recherches d’alternatives, leurs adaptations, leurs promotions, intégrer ses notions et outils dans les cursus de formation agricole.
d) Favoriser la restauration du maillage écologique (avec un objectif de 10 % de la superficie) et de la biodiversité dans les milieux agricoles. Pour ce faire, continuer à développer l’encadrement des agriculteurs qui veulent adhérer au programme agro-environnemental par les conseillers MAEC, l’améliorer en permettant notamment aux conseillers de pouvoir démarcher proactivement des agriculteur·rice·s situé·e·s dans des zones d’action prioritaires (zones à définir), d’avoir accès au SIGEC afin de proposer à ces mêmes agriculteur·rice·s des mesures adaptées à leurs parcelles les plus intéressantes d’un point de vue biodiversité.
e) Favoriser la diminution des tailles des parcelles agricoles. De plus petites parcelles font que les bordures souvent enherbées sont plus nombreuses et enrichissent la biodiversité.
f) Encourager des contrats de culture avec l’industrie agro-alimentaire qui incluent des clauses environnementales (dont une attention pour les enjeux de conservation de la nature en milieux agricoles) comme l’intégration de critères de respect de la biodiversité par exemple
g) Evaluer l’impact de notre production et consommation sur les écosystèmes et la biodiversité en dehors des frontières de la Wallonie et de la Belgique, et rendre ces informations accessibles. Elaborer et appliquer une stratégie de réduction de production et consommation de ces produits non soutenables, en combinaison avec d’autres mesures qui encouragent notamment des pratiques plus soutenables dans les pays producteurs.
h) Maintenir le territoire de la Wallonie exempt de cultures issues OGM, en ce compris ceux résultant des nouvelles techniques d’édition de gène (ou nouveaux OGM), ainsi qu’une position en faveur du maintien de ces OGM de nouvelle génération dans la réglementation européenne actuelle.
i) Concernant les semences, financer la recherche sur les “variétés population” (c’est-à-dire les semences paysannes, adaptées au contexte local). Mettre en place la reconnaissance d’une motion qui valorise les légumes et produits transformés issus de semences dont la diversité génétique a été naturellement favorisée (variété population).
Vers le zéro « PHYTO » pour une protection de la santé des agriculteur·rice·s, des consommateur·rice·s, de la biodiversité et des ressources
La nécessaire transition vers des grandes cultures durables et résilientes aux aléas climatiques ne peut se faire que par un regain d’autonomie vis-à-vis des intrants chimiques (engrais et pesticides), notamment via l’agriculture biologique, ainsi que par la restauration de la biodiversité agricole, l’allongement des rotations de culture et des pratiques favorables à la conservation de la fertilité des sols.
Il n’est évidemment pas toujours possible de se passer de tels intrants. Leur utilisation devrait d’ailleurs être raisonnée sur les principes de la lutte intégrée strictement appliqués. Plusieurs mesures simples permettraient d’améliorer les connaissances sur le devenir et les impacts des produits phytosanitaires sur la biodiversité et la santé. Ceci permettrait d’être bien plus réactif dans le suivi des polluants émergents.
a) Un registre des pulvérisations digital et public, à un niveau de détail suffisant. La numérisation du carnet de champ permettrait la mise en place d’une cartographie en ligne des pulvérisations de produits phytopharmaceutiques (comme depuis les années 1970 en Californie).
b) Un biomonitoring des produits phytopharmaceutiques à destination des agriculteurs conventionnels pour mieux évaluer
leur exposition aux pesticides et améliorer les mesures de protection de leur santé.
c) L’établissement de zone tampon, avec un couvert végétal permanent à proximité des zones résidentielles, chemins, routes et sentiers, des aires protégées telles que les réserves naturelles et les zones Natura 2000, et des zones de protection de captage.
d) Prendre en compte la protection des espèces typiques des milieux agricoles, des éléments du maillage écologique, des parcelles en bio et des aires protégées. En Allemagne, il a été montré qu’idéalement une zone tampon de 2000 m autour des zones protégées1 permettrait à ces réserves de réellement jouer leur rôle de protection de la nature.
e) Une simplification et harmonisation des zones tampons existantes.
f) Une mise en application effective et constructive de la lutte intégrée (Directive européenne 2009/128/CE et arrêté ministériel du 6 mars 2019).
Préserver la terre et sa capacité nourricière
Le prix du foncier agricole ne cesse de s’envoler avec des montants affolants proche des 80.000 euros de l’hectare, voire plus, dans certaines régions de Wallonie. La terre est devenue une ressource spéculative sur laquelle la pression ne fait qu’augmenter. Les paysan·ne·s actuel·le·s et futur·e·s ont de plus en plus de difficulté à accéder à cette ressource basique pour produire notre nourriture. Les lobbies énergétiques récents ajoutent encore une concurrence démesurément déloyale à la fonction nourricière de la terre. Il est donc primordial de protéger la ressource d’autres usages que de celui de produire de la nourriture et/ou préserver la nature.
a) D’autre part, dans une utilisation à des fins de production agricole, il est également essentiel de maintenir cette capacité fonctionnelle au fil des ans. Veiller à garder des sols vivants (taux d’humus, biodiversité de la microbiologie, etc.) par des techniques régénératives est indispensable.
b) De manière globale, une obligation devrait exister pour que toute occupation du sol ne compromette pas leur utilisation pour les générations futures.
c) Les terres publiques devraient être en priorité préservées à des fins nourricières et de préservation de la biodiversité. Les différentes entités publiques de la Région wallonne sont propriétaires de plus de 50.000 ha de terres agricoles. Ce patrimoine agricole public constitue un levier de premier ordre pouvant être activé afin de lutter contre la spéculation et la concentration foncière et, ainsi, de faciliter la transmission des fermes et les nouvelles installations ainsi que pour la mise en place du réseau écologique en zone agricole.
Cela passe notamment par les mesures suivantes :
- un moratoire sur la vente de terres agricoles publiques ;
- le cas échéant, l’instauration d’un régime permettant aux propriétaires publics d’organiser légalement une vente préférentielle vers des pouvoirs publics, afin de conserver les terres dans le giron public. A défaut, vendre les parcelles concernées à prix fixe (prix du marché), en définissant des critères d’attribution pour soutenir, notamment, les jeunes, les agriculteur·rice·s disposant d’une moins grande surface cultivable ou encore les projets en circuits courts ;
- implanter systématiquement des éléments de maillage (arbres, haies, fossés, mares) après la fin d’un bail et avant la remise en location avec l’obligation pour le nouvel occupant de respecter ces éléments ;
- tantôt autoriser, inciter et/ou obliger les propriétaires publics à donner davantage de poids à l’objectif de préservation de la biodiversité sur leurs terres moyennant l’inclusion, dans les critères d’attribution des baux, ainsi que dans les baux à ferme de clauses environnementales ambitieuses et effectives ;
- l’activation ambitieuse de la panoplie d’outils de gestion foncière prévus par le Code wallon de l’agriculture pour atteindre 10 % de maillage agroé En particulier, le droit de préemption et la gestion foncière doivent intégrer l’objectif prioritaire de l’installation du réseau écologique en zone agricole.